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Raphaël Caloone : “Saisir l’énergie qui émane des corps”

Jade Vigreux 21 avril 2020
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© Raphaël Caloone

En jouant sur les matières, ses portraits sont rehaussés d’un caractère spécial, entre pensées profondes et vécus singuliers, ils dévoilent la psychologie des personnalités contemporaines. Nous l’avons rencontré pour mieux le comprendre. 

Vous avez débuté la peinture à l’âge de 14 ans, comment cette pratique est finalement entrée dans votre quotidien ? 

En réalité, j’ai commencé avec l’illustration, dans une école à St Luc en Belgique ; j’ai eu la chance de suivre un enseignement très riche techniquement, qui favorisait l’épanouissement artistique et la libre expression des élèves. Cela m’a notamment beaucoup aidé à développer mon imagination. Je ne pouvais pas espérer mieux comme « starter » dans le monde de l’art ! 

Je constate que le portrait constitue une part importante de vos productions, que cherchez-vous à capter en peignant ces différents visages ? 

Tout d’abord, j’éprouve un fort attrait pour la psychologie humaine. Que cela soit au cours de mes voyages ou de ma vie professionnelle, je ressens le besoin d’observer l’humain, de fournir un travail de réflexion autour de ces personnalités, individuellement, ou en relation avec les autres. Je préfère incarner l’analyste, l’interprète, plutôt que l’acteur dans mon environnement social. C’est avec la peinture que j’agis concrètement. 

Couple © Raphaël Caloone

Vous êtes davantage dans l’aspect psychique que physique ? 

Je m’intéresse, certes, aux réactions émotives, mais le physique, en tant qu’énergie qui émane des corps et des vécus, m’interpelle tout autant. Elle est visible dans les gestes, les expressions, mais plus intensément encore dans la peau de mes sujets. Et c’est cette peau marquée d’une histoire que je tente de retranscrire ; j’aime beaucoup malmener les matières, en utilisant le collage, le fusain ou la bombe. Les cicatrices sont autant de signes de nos actions passées et seul le travail des matières, la succession de couches, donne de la consistance à mes portraits. 

Quelle utilité a la photographie dans votre processus de travail ? 

Cela me permet de saisir une émotion intacte, une pensée plus vraie. Je demande à mes modèles de trouver un lieu dans lequel ils sont à l’aise et de plonger dans leurs pensées les plus intimes et au moment où ils ne sont plus dans la pose, que leur regard traduit un état réflexif, je capture l’instant. C’est effectivement dans les yeux que l’on peut appréhender la profondeur du souvenir. 

Présence © Raphaël Caloone

Aujourd’hui, vous représentez les émotions « confinées » ? 

Oui, j’ai fait quelques essais que j’ai diffusé sur mon compte Instagram. Étant donné que mon travail se fonde essentiellement sur le contact humain et les rencontres, mon inspiration est assez limitée… C’est une situation qui se prête plus à l’introspection ! 

 

Vous avez voyagé en Namibie, qu’est-ce que cela vous a apporté artistiquement ? 

J’ai été surtout marqué par l’ouverture des artistes namibiens qui ont tout de suite accepté d’exposer mes productions en tant que peintre étranger (lors de la Biennale des Arts Plastiques). C’était très porteur pour moi ; j’ai pu laisser libre cours à ma créativité en abordant de nouvelles thématiques, telles que l’apartheid, qui avait laissé ses traces dans le pays, ou la mise en valeur de la femme. 

Explorez-vous de nouveaux champs artistiques ? 

Récemment je me suis mis à la peinture en direct, face à un public. C’est extrêmement interessant dans le sens où cela démystifie la création d’une œuvre ; le spectateur comprend qu’il s’agit de l’aboutissement d’un travail et non d’une activité hors de sa portée. Il se sent plus concerné par l’acte artistique. En recueillant les avis, je remarque que le fait d’altérer la matière du portrait, de malmener la beauté préexistante du tableau, peut déranger les observateurs.

Nu dans champs dénudé © Raphaël Caloone

Les spectateurs associeraient-ils toujours l’art à ce qui est beau et réaliste ? 

Les discussions tournent, en effet,  autour de cette idée persistante. J’essaye de montrer que le caractère du portrait est plus significatif que son esthétique. Il y a souvent des incompréhensions, mais les débats s’ouvrent, c’est l’essentiel !

Plus d’informations sur l’artiste, site internet  et Instagram.

Propos recueillis par Jade Vigreux 

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